Titre | «Voyager dans une Espagne en guerre civile (1936-1939). Voyages politiques encadrés et tourisme organisé, à l'aune des modèles circulant en Europe durant l'entre-deux guerres». |
Auteur | Mari Carmen RODRÍGUEZ |
Directeur /trice | Professeur Matthieu Gillabert |
Co-directeur(s) /trice(s) | |
Résumé de la thèse | Ma thèse porte sur l’analyse des enjeux mémoriels et politiques que revêtent le voyage encadré et le tourisme organisé en Espagne durant la guerre civile, à l'aune des circulations de modèles de «tourisme de champ de batailles» depuis la Grande Guerre et de voyages orchestrés par les États en construction durant l'entre-deux-guerres. Objet trop longtemps délaissé par les études sur la politique extérieure en général, le tourisme a pourtant joué un rôle croissant dans les échanges multilatéraux et, plus globalement, dans l’évolution des sociétés humaines depuis le XIXe siècle. Comme le précise l’historien Laurent Tissot (TISSOT, 2003, Construction…, p.19), il a « souffert de l’image d’activité superflue et futile dans l’échelle des priorités économiques et sociales ». Ma recherche poursuit un double objectif : montrer que l’on peut dépasser les visions réductrices sur l’imaginaire du tourisme dans le cas de la guerre civile espagnole et dégager la complexité de son histoire. Aujourd’hui en effet, le cliché dominant des voyages en Espagne est basé sur l’image d’un « tourisme de masse » apolitique en quête de plage et de soleil. Mais au-delà de ce modèle homogénéisant, il est intéressant de comprendre comme le précise Esther Sánchez (SÁNCHEZ, 2006, p. 278), que le tourisme « s’inscrit dans cette faculté à s’adapter aux circonstances et à se redéfinir constamment qui a caractérisé le régime franquiste ». Durant la guerre civile, axé sur une instrumentalisation à géométrie variable de « marketing politique », il devient à la fois une arme de propagande culturelle, sociale, économique, politique et mémorielle internationale. La mise en perspective permettra d’analyser les ruptures et les continuités liées aux circulations de modèles et aidera à mieux comprendre le caractère atypique et novateur de cet objet de recherche. En effet, afin de mieux comprendre les raisons du recours inédit de Franco à la propagande touristique en pleine guerre civile déjà, et à l’évolution de cette forme particulière de voyages mémoriels, il est important de connaître, en amont, les expériences passées qui ont fourni des modèles aux acteurs de l’opération. Ainsi, le «tourisme de guerre» de l'État franquiste en construction matérialise géographiquement l’«invention d’un roman national», liée à l'instrumentalisation d'un ensemble de lieux de la mémoire collective hispanique en concurrence avec son ennemi politique. Ce procédé, qui relève d’une « invention de la tradition » au sens où l’entendent Eric Hobsbawm et Terence Ranger, est adapté aux voyageurs, qui suivent un itinéraire normé issu d’une sélection de lieux symboliques comme Covadonga ou Compostelle, incarnant les «sanctuaires de l’Espagne» et «l’esprit de Croisade». Le discours officiel qui encadre les visites, sous l'égide de la Phalange, est basé sur une relecture pro domo du passé et du présent. L’extrait suivant, provenant des archives de l'Administration, conservées à Alcalá de Henares, illustre cette instrumentalisation qui est au cœur de mon analyse : […] L’Espagne du Général Franco, en pleine guerre déjà, avec la foi absolue en l’imminence de la victoire finale, invite les citoyens de toutes les nations civilisées à parcourir ses Routes de la Guerre et à vérifier personnellement l’ordre, la tranquillité et la prospérité qui règnent dans les régions récemment conquises par les armes, et dans lesquelles, avec des conditions de sécurité et confort maximales, ils peuvent voir les empreintes encore chaudes d’une des épopées les plus grandes de l’Histoire […] . La découverte de la dimension exceptionnelle du contingent de touristes ayant participé à cette opération inédite, m’a également convaincue de la nécessité d’approfondir le cas de la réception du « tourisme franquiste », en intégrant à l’analyse les politiques mémorielles, les outils idéologiques, religieux et institutionnels de la propagande, ainsi que les usages publics de l’histoire par les différentes configurations politiques de l’Etat franquiste en construction. L’étude de l’« homo touristicus » (TISSOT, 2000, p. 224) «de guerre » et de ses retours d'expérience permettra de déceler la portée de cette tentative de façonnement identitaire et politique des autorités de la «Nouvelle Espagne» destinée au visiteur. |
Statut | |
Délai administratif de soutenance de thèse | |
URL | |